Argentina del Norte: un voyage de rêve !
Province de Corrientes
Esteros del Ibera
Esteros del Iberá est un lieu irréel, c’est mon idéal au niveau du vivant qui se joue-là devant moi. La région est divisée en deux parcs nationaux, le parc national de Iberá et le parc national de Mburucuyá. Mais c’est d’Iberá dont il va être question ici.
Ibera vient du Guarani, « ý berá », signifiant « eaux claires ou brillantes ». (wikipedia rpz). En effet, l’endroit est la seconde plus grande zone humide au monde : les marais, rivières, lagons, lacs et autres s’étendent sur plus de 15 000 km².
C’est Emma aux pays des merveilles. Et ce grâce à respectivement Lorena et Valbu, des amis de Dante qui nous ont chacun recommandé d’y faire un tour.
J’observe chaque combinaison des corps, que ce soit des plumes, de la photosynthèse, ou des écailles. C’est un émerveillement à chaque instant. Je suis enfin dans un endroit « sauvage ».
Mais par sauvage, je n’entends pas le sens négatif comme il peut l’être compris ces derniers temps comme désordonné, dangereux ou comme autre/différent de soi.
Non, par sauvage tel que mon utopie, qui est que l’on revienne à la coexistence inter-espèces, où les rencontres avec des animaux sont banales et pourtant uniques… En adoptant la philosophie « ne prélève que ce dont tu as besoin ». C’est un safari à échelle démesurée. Et cet endroit existe !
Esteros del Ibera est reconnu parc protégé.
C’est une bibliothèque de sons si riche ! Notamment mes amours les oiseaux dont chaque espèce me passionne à observer, que ce soit le moineau commun, l’aigle royal ou même le pigeon (je n’en reconnais pas moins son côté…pigeonnesque).
Ce qui me frappe d’abord, c’est une biodiversité qui m’est complètement inconnue, elle n’a rien à voir avec ma côte Vendéenne ou les campagnes de Dordogne.
Mais cela vaut aussi pour La Plata, peu importe mon désamour pour cette ville. Les espèces d’oiseaux colorées aux formes qui me sont peu familières volent, planent, piaillent, jouent et se battent partout. Les mammifères diffèrent également. L’un des animaux-symbole du parc est le capybara.
Il y a aussi les insectes et amphibiens qui se joignent à cette symphonie du vivant, rythmant surtout les nuits au clair de lune réfléchie sur l’eau omniprésente.
Bien que ce soit l’hiver dans l’hémisphère sud, ses températures minimales sont de 17°c de jour, 14°c de nuit, donc très supportable, malgré l’humidité.
Parque Nacional Iberá
Dante lui n’avait jamais entendu parler de ce lieu et en effet, ça ne semble pas très connu, étrangement.
Nous passons la majorité de notre temps au Parc National d’Iberá, dont l’emblème est le Moucherolle à queue large (yetapá de collar en espagnol, Alectrurus risora), un oiseau plutôt particulier. Bien que petit, il est vite remarquable : ornementé de deux longues plumes à sa queue, il paraît tel un mini paon.
Pour les plus intéressés et hispanophones, le site officiel donne de nombreuses informations en ce qui concerne les environs, également des nouvelles de l’état ou la praticité des routes ici :
L’arrivée au Wonderland
La route pour se rendre à Colonia Carlos Pellegrini, qui est notre base pour explorer une partie de la région. Ce n’est pas un bonheur pour la voiture que le père de Dante nous prête pour l’aventure. Il est vrai qu’il faut conduire plus lentement, sous peine d’être secoués dans tous les sens. De plus, la carrosserie est basse, ce qui s’avère assez terrible. Des rochers conséquents rendent la route quasiment impraticable parfois.
Au moins, c’est pour nous un réel plaisir. Avec cette vitesse, on peut profiter pleinement du paysage (enfin pour moi puisque je ne conduis pas). Les nuances de jaunes, oranges, roses et rouges défilent à mesure que la nuit tombe offrent des spectacles incessants. Nous passons devant des dizaines de capybaras, des Caïmans à museau large ou Caïmans yacare, des cerfs des marais et j’en passe. Je n’ose même pas faire la liste des oiseaux que nous voyons et pour qui nous nous arrêtons quasiment tout le temps au début. Pour n’en citer que quelques espèces, les engoulevents pauraqués, cigognes Maguari ou les nandous d’Amérique.
Il faut quand même que nous nous dépêchions, ce n’est pas une route qui donne envie de conduire la nuit, on se dit que l’on va forcément buter dans un animal. Et cela si nous arrivons à voir toujours la route ou éviter d’éclater les parties sensibles sous notre véhicule.
Les arrêts se font donc plus rares et maintenant nous sommes concentrés dans la conduite en zigzag. La lune est ronde cette nuit-là, et là un cerf aux bois inspirant le respect apparaît. Je ne vais pas arrêter les fioritures de mes descriptions car c’est vraiment comme cela que je l’ai ressenti et tant pis si c’est lourd à lire. Pour une fois que je n’ai aucune raison de me plaindre, je ne vais pas me priver !
Les circuits des possibles
Après avoir dormi dans une chambre très rustique, mais amplement suffisante, nous commençons la journée joyeusement. A peine sortie que déjà deux colibris se posent dans l’arbre devant moi. Et plus loin, là ! Des oiseaux très rouges ! Des chants qui excitent mes oreilles dans tous les sens que je ne sais même plus où donner de la tête.
Je suis TRÈS heureuse d’avoir mon objectif jusqu’à 300mm (Canon 70D + Tamron 70-300 f4-5.6) ce jour-là, la concentration de vivant et sa proximité fait que j’ai pu prendre de sublimes clichés. Je dis ça sans me vanter, honnêtement c’est très facile de prendre des clichés presque dignes de professionnel quand on est dans de tels lieux.
Nous traversons le pont qui rejoint au moins trois circuits possibles pour le parc national d’Ibera (Parque Nacional Iberá).
1. Circuit du lagon
L’un est un circuit assez court juste après un long pont qui sépare le parc de Pellegrini. Mais nous y passons beaucoup de temps. Étant au dessus du lagon, les animaux pullulent. Encore une fois, la concentration de nos amis ailés semble dominer largement.
L’oiseau qui retient le plus mon attention est cet assez gros oiseau aux plumes de la queue parfaitement losangées, son cou est rosé et ses yeux rouges vifs, le Piyae écureuil, de la famille des coucous. Mais aussi cet espèce d’oiseau-girafe, les onorés rayés au look assez bancal.
2. Parcours de la jungle
L’autre, un peu plus loin, niche le centre d’accueil où nous devons nous acquitter de notre dette (débourser de l’argent me peine toujours, vu le vocabulaire qui me vient). Puisque Dante est Argentin, son entrée lui vaut 1 500 pesos argentins (ARS), soit en 2022 environ 11,55€ — et pour bien se rendre compte de la catastrophe économique dans laquelle se trouve l’Argentine dû au système actuel, à l’heure où j’écris ces lignes, mars 2023 1 500 ARS valent 6,79€…Quasiment moitié moins. N’étant pas Mercosurienne (Mercosur -site en anglais- étant comme l’équivalent de l’Union Européenne en Amérique Latine), mon prix est de 2 500 ARS, 19,25€ (11,31€ aujourd’hui).
Autour, deux sentiers sont aménagés. L’un est un circuit court dans une forêt où la lumière a du mal à y pénétrer.
Le deuxième entrée de l’autre côté de la route, toujours dans la forêt luxuriante, où à l’orée pose pour nous (évidemment) l’unique représentant de la famille Blastocerus, le cerf marécageux qui semble nous inviter dans la forêt.
La canopée plutôt haute est l’hôte d’un feuillage de toutes tailles, de multiples teintes de verts. Nous croisons d’abord une famille de Français. Par envie d’interagir avec mes pairs, peut-être, leur parle-je. D’abord aux enfants, à qui je fais remarquer qu’il ne faut pas jeter de cailloux sur les grenouilles. Puis aux parents, immobiles car ils viennent de voir un singe. Nous guettons les hauteurs.
Après un rapide échange et bons vents souhaités, nous continuons la marche.
Peu après, les branches craquent. Il y a du mouvement et vu le bruit, ce n’est pas petit.
Une femelle Alouatta carayá ! Nous nous immobilisons tous trois. Je suis à mon tour fascinée par l’échange de regard intense de proches cousins qui se produit. J’ai l’impression de pouvoir lire son visage. Un peu.
Son nom vernaculaire est « singe hurleur noir », mais j’ai mis plus de temps qu’il n’aurait fallu pour le trouver… si son premier nommeur n’avait pas été si machiste.
En effet, le singe dont je me souviens est clair. Donc en recherchant l’espèce dans la liste des singes de la famille des alouates, je ne cliquais pas sur ce dernier. Jusqu’à ce que je recherche l’espèce de singe de la région en espagnol : « monos carayás ». Je recherche donc cela sur mon moteur de recherche et découvre une photo bien différente, et le nom clairement faux « noir » Que nenni. Enfin ; plus loin dans l’article je vois « femelle » qui, elle, est blonde ! Ainsi, je refuse d’utiliser cette appellation.
Le circuit se termine par une grande clairière humide avec deux structures surélevées en bois. C’est justement l’heure de déjeuner, parfait ! Et alors là, c’est l’incarnation de mon « wonderland » : des dizaines de groupes de capybaras broutent non loin de caïmans, avec quelques cerfs errant par-ci par-là de temps en temps.
Soudain, un sabelette sauvage apparaît ! Un tatou, dit mulita en Argentine. Plus spécifiquement, un tatou hybride (je ne sais pas en quoi il est hybride, mais allons bon, on en est plus à un natiocentrisme près). Wikipédia m’apprend que les dasypus sont l’unique famille des vertébrés à devoir se reproduire par polyembryonie, c’est-à-dire qu’ils donnent toujours naissance à au moins des jumeaux (dans le cas du tatou à neuf bandes, ce sont quatre petits).
3. Entre marais et caïmans
Le troisième biotope se mérite. Il faut marcher plus longuement. Sous un soleil écrasant, nous martelons ce sol sec et rouge.
L’ai-de déjà dit ? Je hais la chaleur. D’autant plus si c’est une chaleur humide. Qu’est-ce que ce serait en été !
Nous sommes accueillis par des pics champêtres. Nous les avions déjà vu à La Plata, ils ont la particularité d’être souvent à même le sol. Ici, un pic vert et noir (c’est son petit nom) est parmi eux que nous prenons d’abord pour un dimorphisme sexuel.
Mais après vérification il s’avère que ce sont bien des espèces différentes. Ils sont très similaires, le premier est un peu plus petit qu’un geai, ressemblant à un pic vert sans vert avec un cou et une tête jaune casquée de noir. L’autre est pareil mais sans jaune et avec un petit bonnet rouge.
Brutalement, un torrent coule du ciel. Il nous faut trouver abri ! Alors que nous attendons, je me souviens que des jaguars (en Guarani yaguareté, ce qui voudrait dire « yaguara » « bête » ou encore « chien » et « eté » est un suffixe pour en caractériser la férocité) et des ocelots sont eux aussi présents. Bien que je me doute que les chances sont très minces qu’ils fassent une apparition. Je ressens à nouveau cette sensation étrange rarement vécue en Europe d’être une proie, et non plus seulement un prédateur. Comme toute pluie tropicale qui se respecte, elle cède rapidement sa place à un grand soleil.
Un circuit est créé autour de deux espaces aquatiques où se baignent avec ferveur des capybaras servant de perchoir/pêchoir pour les jacanas au milieu de nombreux autres animaux.
Nous y voyons aussi des fourmilières géantes, une chouette, des caïmans et bien d’autres vivants encore. C’est aussi là que nous rencontrons pour la première fois le kamichi à collier. Là s’y joue aussi la réalité quotidienne du sauvage ; un jeune capybara est ensanglanté, probablement blessé par un caïman.
En revenant, nous croisons à nouveau la famille des Français. Les enfants s’amusent à jeter des rocs sur les crocs. Ça va les gamins ? Je me permets de leur faire réaliser qu’ils sont en train de blesser des êtres sensibles, tant pis si les parents vont me dire quelque chose. Mais je crois que les parents sont exténués. Cela fait six mois qu’ils voyagent tous ensemble autour de l’Amérique du Sud. Ils en ont des petites paillettes dans les yeux en narrant leurs récits.
La vie à Colonia Pellegrini
L’enchantement ne se fait pas que durant la journée. Le village est petit, quadrillé comme bon nombres de zones urbaines en Argentine. Les routes sont donc non pavées, avec très peu de véhicules. J’aime les odeurs qui s’en dégagent, décuplées par l’humidité. Une bonne ambiance y règne.
Les soirées sont fraîches en hiver et nous désirons nous promener sur le pont, près de la berge. Aussitôt que nous quittons le village, un groupe de quatre chiens errants se met à nous suivre. Nous allons sur un pont où un chat se joint aussi à nous. C’est là que les grenouilles courtisent à coup de grand orchestre.
Tous les soirs, nous faisons un rituel d’aller dîner notre fait-main sur un banc installé sur le pont, joignant le temps de la soirée notre meute de chiens. C’est très amusant car quand on marche sur les murs du pont, certains nous suivent. Ils semblent heureux, même si à la rue. Je pense qu’ils sont bien traités par les locaux.
Conclusion
Aujourd’hui en danger à cause de la sécheresse qui dure trois ans, la biodiversité de cet endroit se meurt avec le changement climatique extrêmement soudain.
L’humain est un être, parfois, extrêmement ingénieux. Pourtant nous assistons à un massacre massif perpétué. Contrairement à toutes les périodes précédentes, nous possédons un savoir qui semble suffisamment étendu pour pouvoir mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour parer la connerie.
C’est pourquoi il faut conserver ce type d’habitat. Le gouvernement Argentin présentement semble faire attention à son héritage terrestre et ça fait si plaisir à voir. Une telle diversité d’espèces est possible grâce au choix de ne pas surexploiter la région, d’en faire un partage avec les autres vivants qui nous entourent. Selon leur site, ils essaient aussi de réintroduire des espèces endémiques aujourd’hui localement éteintes.
Je vous quitte sur mes deux clichés favoris. Je tente de créer des galeries car les photos de cet article sont loin d’être l’ensemble de ce que j’ai pris. J’ai dû faire un choix drastique. Mais étant donné que cela me prend beaucoup plus de temps que prévu, je décide de publier mon article. J’apporterai plus tard les modifications ou pages liées.
2 commentaires
THERY Fabrice
Waouhhhh
NonMa
Les CAPYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYS ♥♥♥
Un vrai paradis cet endroit ♥