Asie,  Japon,  Préparation au volontariat,  Voyage au Japon en solitaire

Au cœur des montagnes à Minamiashigara

Je m’éloigne de la frénésie urbaine pour rejoindre la campagne japonaise, à Minamiashigara (南足柄市). A seulement 1h30 de Tokyo en voiture, me voilà déjà perdue dans les montagnes Hakone dont le paysage est totalement différent et dépourvu de bâtiments ultra-moderne. J’ai donc quitté Shinjuku en train le matin du 20 décembre via la Odakyu Line jusqu’à Shin-Matsuda, où j’ai pris un bus à la gare jusqu’à Sekimoto / Daiyuzan .

Edit du 12 juillet 2017 : En préambule voici ma vidéo de présentation de mon WWOOFing à Minamiashigara.

J’adore prendre le train au Japon (partout en fait) car tout ce que l’on a à faire, c’est regarder les paysages défiler (et faire un minimum attention si on ne veut pas se retrouver perdu…). Ainsi, pendant le trajet, j’ai eu le plaisir de pouvoir observer le Mont Fuji. Je ne saurais pas trop dire pourquoi, mais ce mont a vraiment une aura mystique tout à fait unique. L’ironie : le Japon étant un pays tellement montagneux qu’à Minamiashigara je me trouvais tellement près du Mont Fuji qu’il n’était absolument pas visible puisque caché par la chaîne de montagnes Hakone.

Ma première vision du Mont Fuji !
Ma première vision du Mont Fuji !

Mon hôte n’avait pas vu mon message notifiant mon heure d’arrivée… Je n’ai pas pensé à ce moment-là pour une raison qui m’échappe encore que j’aurais pu demander à la gare si je pouvais utiliser leur téléphone. Ainsi, j’ai explosé mon forfait pour les appeler (je n’avais pas pris de forfait mobile japonais). Quinze minutes plus tard, j’ai vu arriver une camionnette totalement typique des campagnes japonaises que tous les fermiers ont. Chose assez drôle, les voitures de campagnes sont souvent au « petit format », mais j’ai compris pourquoi plus tard. Les routes sont très étroites (et comme je l’ai déjà dit, leur conduite laisse un peu à désirer…).

C’est à ce moment que débuta ma vie de campagnarde japonaise pour 15 jours.

Camionnettes japonaises
Camionnettes japonaises

Dès mon arrivée, Kai, mon hôte, m’a servi le fameux thé vert (ocha お茶) qui est une véritable institution au Japon. Tout le monde en boit, à tout moment de la journée. J’ai l’habitude de boire du thé sans sucre, mais les personnes qui n’ont pas l’habitude le trouveront peut-être amer. En ce qui me concerne, je l’adore. Kai m’a expliqué que ce thé venait de sa plantation. Par chance, Kai parlait un très bon anglais, et la communication était vraiment facile. Il m’a également expliqué qu’à cause de Fukushima il a dû jeter toute sa production.

©EmmaT - A Flea Quest
Plantation de thé de la ferme et monts Hakone

Durant tout mon séjour à Minamiashigara, il m’a beaucoup parlé de Fukushima, qui illustre bien le traumatisme que la catastrophe a engendré. Kai et sa femme Yuko se sont portés volontaires pour aller nettoyer des débris à Fukushima.
Mon travail a commencé la journée même, où j’ai dû ramasser les branches des pruniers qu’il avait coupé. Le travail à la ferme était très varié, différent chaque jour (hormis le nourrissage des cochons à 6h30 et à 16h) et surtout toujours gratifiant.
J’ai appris des compétences dont je suis extrêmement fière, comme l’utilisation de la hache, de la scie électrique ou bien encore d’un ponceur. Je ne trouvais pas le travail très dur, et j’ai réalisé que j’adore le travail manuel. On a l’impression de faire quelque chose d’utile, et c’est un sentiment vraiment génial. Mes hôtes n’arrêtaient pas de dire « 速いですね » soit « elle est rapide ! » (hayai desu ne) à tous ceux que je rencontrais. J’ai pris ça comme un compliment. Je crois qu’ils étaient en quelque sorte impressionnés que je prenne le travail autant au sérieux. Ils m’ont expliqué que de nombreux WWOOFers étaient flemmards. En effet, je prenais ça très au sérieux, car selon moi le  WWOOFing est comme un engagement. Brièvement, WWOOFing signifie « World Wide Opportunities on Organic Farms ». C’est comme une association dont chaque pays a la sienne, qui nous permet de travailler le plus souvent  dans des fermes, mais l’on trouve vraiment de tout (ranch, hôtel, temple, magasin etc.). Ce qu’ils ont en commun ? A priori (je dis bien a priori…j’expliquerai pourquoi dans un prochain article de mon WWOOF dans la péninsule d’Izu) ils sont toujours sensibles à l’environnement, à limiter les déchets, produire des aliments organiques. Par exemple, dans la maison, les toilettes étaient des toilettes sèches. En échange de notre travail, ces personnes nous hébergent, nourrissent et blanchissent. Pour en savoir plus, vous pouvez lire mon article réservé au WWOOFing, ici.

Ce qui m’a motivée dans mon choix de ce WWOOFing, c’est avant tout le fait de travailler au côté des cochons. Et pour ça, j’ai été servie ! Si j’ai une autre passion que les voyages, c’est bien les animaux. Travailler auprès d’animaux me rend à l’aise, calme.
Rien ne fait plus de bruit qu’un cochon qui a faim. Un cochon n’est pas l’animal le plus maniaque du monde. Un cochon est peureux, mais en même temps très curieux. Malgré cela, je ne m’en lassais pas. Au fil des jours, dès que j’arrivais près des enclos, les cochons venaient me voir en courant. Chaque jour, je prenais du temps pour les caresser. Les cochonnets avaient dix jours quand je suis arrivée. Ils adoraient venir me grignoter les doigts, mais à la fin c’était moins drôle sachant qu’ils commençaient à avoir des dents puissantes.
Parmi les cochons un peu plus grands, l’un se laissait caresser; ainsi nous sommes devenus « copains comme cochons » (il fallait que je la place). J’ai été très touchée puisqu’à la fin de mon séjour, Kai et Yuko m’ont dit que grâce à ma proximité avec leurs animaux, ils ont réalisé que c’était important de passer un peu de temps avec eux chaque jour. Et moi qui pensais qu’il ne fallait pas essayer de trop s’attacher (ils finissent quand même dans leurs assiettes…). Mais Kai m’expliquait que s’ils seraient tristes de devoir tuer leur nouvel ami, ils éprouveraient une tristesse joyeuse dans le sens où le cochon aurait eu une vie bien plus agréable, et un lien se serait créé entre eux. J’aime bien cette vision des choses.

Comme je l’ai déjà dit, l’anglais de Kai était très bon. Quant à Yuko, même s’il était bien plus primaire, on arrivait à se comprendre entre gestes, anglais et japonais. C’est un véritable plus dans le WWOOFing, tous les jours nous avions des conversations vraiment profondes concernant l’identité japonaise, la vision des Japonais par rapport aux Coréens ou Chinois, et vice versa. Notre vision des choses étaient souvent similaire, et l’échange n’avait presque aucune limite. J’ai énormément appris de ce point de vue aussi.

Et ce n’est pas tout ce que j’ai appris ! J’ai pu participer à de nombreux événements avec eux. Le premier était avec un de leurs amis du village (presque tous fermiers). Ils avaient décidé d’intervenir dans un centre d’accueil de jeunes filles qui ont été maltraitées ou abusées pour faire un « O mochi tsuki » (お餅つき) soit littéralement la fabrication des mochi. Un mochi est un gâteau de riz japonais traditionnellement mangé pour le Nouvel An. Malheureusement, je n’avais pas emmené mon appareil photo, je ne peux donc pas vous montrer ce rituel plutôt amusant à réaliser…
En résumé, il faut d’abord faire cuire le riz puis le mettre dans un mortier en bois (usu 臼) où l’on va moudre le riz avec un pilon (kine杵) jusqu’à ce qu’il devienne une pâte. Cette opération nécessite deux personnes, une qui frappe avec le pilon, et un autre qui mouille le riz entre chaque coup.  En ce qui me concerne j’ai uniquement utilisé le pilon. Une des personnes présentes étaient un peu rapide, et à chaque coup nous avions peur pour celui qui devait mouiller le riz ! Suite à cela, nous en avons fait des petites boules puis nous les avons mises dans différentes garnitures, comme par exemple de la « pâte » de noix (c’était nouveau pour tout le monde car c’est une spécialité d’Hokkaido, l’île au nord du Japon !).

En France, les mochi vendus sont en fait des daifuku (大福), mochi fourrés à la pâte de haricots rouges. 
Je devais initialement rester 10 jours dans cette ferme, mais mon prochain WWOOFing ne me donnait pas de nouvelles, alors Kai a appelé pour moi. Il se trouve qu’ils n’étaient pas au courant que je devais venir pour une raison qui m’est totalement inconnue. Toujours aussi avenants, j’ai pu rester cinq jours de plus chez Kai et Yuko.

Grâce à cela, j’ai été invitée à une fête pour le Nouvel An (お正月 o-shôgatsu) avec leurs amis. Avoir pu participer à cela est très important pour moi, même si je n’ai pas compris plus de la moitié des choses qui s’y sont dites. Chacun emmenait un plat qu’ils avaient préparé, et ils expliquaient l’un après l’autre comment il était fait et quels étaient les ingrédients. Une fois le repas plus ou moins terminé, toutes les personnes autour de la table ont décrit ce qu’il leur était arrivé de bien dans l’année (certaines personnes se sont enfuies, et moi, je continuais de picorer sur la table). C’est un concept intéressant, et tout du long je me suis demandée ce qui m’était arrivé de bien. A ce moment j’ai réalisé que c’était une pratique que l’on ne faisait certainement pas assez car je n’arrivais pas à trouver un seul événement, et qui pourtant pourrait ajouter du positif dans nos pensées !

Puis, j’ai également été à une réunion de famille, où j’ai été très bien accueillie. J’ai été très heureuse car la belle-soeur de Kai avait vécu un an en France, et parlait ainsi un peu le français. Que ça fait du bien de parler un peu dans sa langue maternelle !

Enfin, pour mon jour de repos, ils m’ont emmené voir comment se déroule un Nouvel An au Japon au temple Saijoji à Daiyuzan (Daiyuzan Saijoji 大雄山最乗寺). C’est un grand ensemble de temples bouddhistes qui aurait été construit il y a plus de 600 ans au milieu d’une magnifique forêt de cèdres. Ce qui m’a le plus marquée, ce sont les statues de Tengu (天狗). Qu’est-ce qu’un Tengu ? Les amateurs de jeux vidéo les connaîtront peut-être puisqu’on peut en retrouver dans Dead or Alive 2 par exemple, ou encore Pokémon (Tengalice est un Tengu !). Autrefois considérés comme des démons, par la suite ils sont devenus presque des kami (des dieux 神), des entités protectrices. Ils ont plusieurs formes mais sont souvent représentés avec un corps humain, tantôt avec un bec de rapace ou un long nez et possèdent des ailes.
Comment clore la journée de meilleure façon qu’en mangeant un Taiyaki (たい焼き un gâteau japonais fourré à la pâte de haricots rouges sucrés) ?! Gâteau que je n’avais pas mangé depuis la Corée du Sud en 2012, et qui m’avait BEAUCOUP manqué.

Saijoji - Forêt de cèdres
Saijoji – Forêt de cèdres
Saijoji - La montée vers le temple
Saijoji – La montée vers le temple
Saijoji
Saijoji
Dans le temple - Lotus en or
Dans le temple – Lotus en or
Saijoji
Saijoji
Toujours des marches
On peut trouver ces nœuds en papier partout dans le pays
On peut trouver ces nœuds en papier partout dans le pays
Ces plaques pour inscrire ses vœux s'appellent "Ema" (hihi)
Ces plaques pour inscrire ses vœux s’appellent « Ema » (hihi)
La forme la plus courante du Tengu
Une autre forme de Tengu
Une autre forme de Tengu
Cascade à Saijoji
Cascade à Saijoji

©EmmaT - A Flea Quest

Ils attendent pour aller prier pour le Nouvel An
Ils attendent pour aller prier pour le Nouvel An
Taiyaki !

Une autre chose que j’ai faite là-bas, c’est une randonnée à Jizodo (地蔵堂) pour aller observer le Mont Fuji dans toute sa splendeur.  Cela m’a fait plutôt doucement rire car j’ai fait le circuit dit « familial »…Il n’aurait pas été question de me faire subir ça lorsque j’étais enfant (mes parents ne le sauront que trop bien) ! Le Mont Fuji ne s’est pas dévoilé dans son intégralité, mais peu m’importe, ma récompense était quand même précieuse !

Figurines à Jizodo
Figurines à Jizodo
Disciple Shinto sous la cascade Yuhi
Disciple Shinto sous la cascade Yuhi

©EmmaT - A Flea Quest

©EmmaT - A Flea Quest

Kintarou et moi !
Kintarou et moi !

Kintarou est un enfant légendaire connu dans tout le Japon, mais personne n’a su m’expliquer pourquoi. Jizodo serait son lieu de naissance.

Le Mont Fuji au sommet voilé

Le WWOOFing dans cette ferme m’aura appris tellement de choses sur la vie, la culture japonaise, les autres, moi-même. C’est une formidable façon de voyager, mais je mentirais si je disais que c’était toujours facile. Il est tout de même assez difficile, je trouve, d’adopter des habitudes qui ne sont pas familières, de vivre à un rythme totalement nouveau et de n’avoir aucun repère. Mais ce qui reste n’est que positif. C’est un échange tout à fait formidable entre êtres vivants (je compte les cochons !). De plus, Kai et Yuko sont des personnes d’action, qui préfèrent agir plutôt que dire (comme l’exemple de Fukushima, mais ils ont également manifesté lorsque Shinzo Abe, le premier ministre, parlait de redonner une armée au Japon. Il faut savoir que manifester n’est pas aussi courant pour un Japonais que pour un Français. De plus, ils se contentent de peu (leur maison est dans un simple hangar) mais en sont très heureux, et je trouve cela magnifique. 

De gauche à droite et de haut en bas : moi, Yuko, petit cochon, Kai, Saki
De gauche à droite et de haut en bas : moi, Yuko, mon ami le cochon, Kai, Saki (une WWOOFeuse  japonaise qui est arrivée les deux derniers jours)

2 commentaires

  • CousineMarjo

    Waw, ça m’impressionne de te voir avec une scie and co sur les photos ! C’est trop bien d’avoir appris des choses si différentes, que tu n’aurais peut-être jamais faites autrement !
    La photo avec le dragon fontaine et le chemin dans la forêt sont magnifiques, mes préférées ! J’adore cet article 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.