Une nouvelle aventure commence
Pif paf pouf, un petit coup de baguette magique et je voyage dans le temps, en dépassant malencontreusement certaines destinations (que je n’oublie pas). Maintenant, voilà que j’atterris au Canada.
Je tiens un « journal de bord » fréquemment, j’ai donc un contenu plus important pour m’aider à écrire cet article à temps.
Quiconque a essayé d’obtenir un visa PVT (pour rappel, programme vacances-travail, son équivalent en anglais étant Working Holiday Visa) sait que celui-ci est particulièrement…chiant. Oui, je n’ai pas peur des mots forts. C’est un réel casse-tête administratif. Je pourrais faire un article à part qui le décrit, mais il en existe tellement sur le net que je crois bien que ce serait inutile. De plus, il serait approximatif vu la qualité des services publics fournis… Enfin déjà, il faut être parmi les heureux élus. Si en plus vous avez le malheur de postuler en couple, il n’est pas garanti que vous soyez choisi avec votre aimé.
Même si à l’heure où je parle, que ce soit Dante, Aurélie ou moi, nous avons été choisis.. Oui, j’ai bien dit Dante et Aurélie. Les plans, comme d’habitude, n’ont de cesse de changer. Nous avons en plus le problème que le visa italien n’autorise le travail que pendant les six premiers mois. Mais qu’ont fait les Italiens au Canada* ? Nous réalisons un peu tard (à environ dix jours du départ) que notre date d’entrée dans le pays est peut-être problématique. Elle tombe exactement entre les saisons d’été et d’hiver, donc la saison un peu creuse.
*Ce qui n’est plus le cas à la publication de cet article : c’est deux ans maintenant !
Beaucoup d’emplois pour lesquels nous postulons recherchent des employés pour la saison d’hiver, c’est-à-dire entre novembre et décembre.
C’est alors que Dante s’inquiète. Il souhaiterait travailler le plus rapidement possible. Les jours suivants, je m’informe si nos billets sont remboursables ou modifiables. Par chance, ils sont bien remboursables ! L’idée est donc de décaler la date de départ pour coïncider avec leurs attentes. Je propose à Dante d’aller faire un WWOOFing dans un autre pays en attendant. Le temps presse et je regarde les prix des billets pour se rendre dans les pays qui m’attirent le plus en ce moment : Kenya, Madagascar, Togo, Mongolie, Islande.
Le montant pour se rendre en Islande est si bas que c’en est presque indécent. Je partage donc mon plan à Dante, qui aussitôt l’allèche lui aussi. Nous contactons même quelques fermes. Mais pour acheter le billet d’avion nous décidons tout de même d’attendre trois jours puisque nous avons encore trois autres entretiens dont la date de début de contrat est, elle, plus proche. Aussi pour ne pas commettre une erreur précipitée.
Le début de l’aventure
Avant-propos : les noms des personnes sont changés.
Le premier entretien s’avère être très fructueux et Charles, notre interlocuteur, m’inspire presque déjà confiance. Les trois sont en fait très réussis puisque tous nous proposent un emploi qui démarre le plus tôt possible. Mais c’est au premier que nous nous offrons. Déjà, nous oublions nos utopies islandaises : un lodge perdu dans le nord ouest sera notre maison pour les prochains mois.
Mon père nous dépose très tôt le matin à la rencontre de notre Blablacar. Enfin, notre chauffeur. Nous nous séparons d’un au-revoir un peu triste puisque nous ne savons pas quand nous allons nous revoir mais c’est aussi un au-revoir déjà vu qui semble plus facile que pour mon départ au Japon.
Moi qui ai quelques réticences vis-à-vis de Blablacar, cette fois-ci durant les 6 ou 7 heures de trajet, notre chauffeur et moi n’avons jamais cessé de discuter ! De plus, il nous a emmenés directement à l’aéroport, contrairement à ce qui était prévu à la base.
Sur les terres canadiennes
L’entrée sur les terres canadiennes se fait à Calgary, capitale de la province d’Alberta. Grâce au décalage horaire, nous transcendons le temps et arrivons relativement tôt le même jour.
Sauf qu’en traversant la frontière nationale, nous apprenons la tragique nouvelle (c’est ainsi que je l’ai vécue) que c’est à notre première destination dans le pays que nous devons demander le visa, et non pas à la destination finale. Cela me paraît insensé mais je me garde bien d’en faire part et nous allons donc dans la salle des visas où la queue est déjà bien longue. En effet, je tire le numéro 76, lève la tête vers l’écran et vois « 51 ». Je regarde l’heure et remarque qu’il nous reste deux heures avant notre vol pour Vancouver.
Le premier cas est long. Très long. Quasiment trente minutes. Là, mon cœur s’accélère : jamais nous n’arriverons à temps pour notre transfert ! Je précise à un agent que nous avons un vol bientôt ; en me regardant à peine, il me répond que je peux essayer d’appeler notre compagnie aérienne mais que rien n’est garanti. Si nous voulions les appeler, cela nous coûterait très cher étant donné que nous n’avons toujours pas de carte SIM locale.
Heureusement, beaucoup de numéros sont absents, nous permettant ainsi d’obtenir les sacrés bouts de papier et de courir pour attraper notre second avion vers Vancouver, ville majeure de Colombie Britannique, soit British Columbia (BC). Et pour information, la capitale de la province de BC est Victoria, et non pas Vancouver.
Je ne vais pas m’attarder à parler de Vancouver car ce n’est pas ce qui moi, m’intéresse. C’est une grande ville à la taille démesurée qui m’a EPUISAX lorsque nous l’avons parcouru de long en large et en travers pour aller regarder des voitures.
Nous découvrons toutefois les oies du Canada.
Nous trouvons donc notre véhicule et déjà nous partons en direction de notre nouveau chez nous.
Nous devons faire vite car nous commençons dans 6 jours et 17 heures nous séparent du lodge à Vancouver. Mais les paysages sont incroyables et déjà j’en tombe amoureuse.
Mais surtout, alors que nous nous enfonçons au sein « du pays des ours », déjà je vois cette forme que j’identifie immédiatement. L’excitation est à son comble ! Et mon premier ours est un grizzli, rien que ça !
La vie au lodge
La belle saison
Au début, c’est l’effervescence. Bien que mon stress est terrifiant avant d’arriver à l’endroit, je m’adapte plutôt rapidement à la vie quotidienne. J’intègre peu à peu les bonnes conduites pour bien sociabiliser dans ce cercle, comme il a été nécessaire de vite comprendre durant ces cinq dernières années, aspect indissociable de notre vie “nomade”.
Nos repas, respectivement 7h30, 12h, 18h, se prennent tous ensemble sur une longue table quasiment de taverne. C’est une ambiance très conviviale, efficace pour partager des moments cruciaux pour nouer des liens.
D’abord, c’est Elen qui m’interpelle le plus. Elle parle fort et est plutôt imposante dans le fait qu’elle aime penser qu’elle a toujours raison. Et si on ose la contredire, il faut s’attendre à s’attirer ses foudres. Mais j’apprécie son franc parler et la façon d’être qui ne différencie personne pour autant.
Je rigole beaucoup avec Mario, avec qui à chaque repas nous débattons largement, débats entrecoupés de blagues à tout va. Agnes, sa partenaire, me paraît douce et rassurante. Un autre couple éveille ma curiosité, l’une est Jenna, une demie-native (je le précise car c’est important pour la suite –de l’article et/ou de mes projets-). Elle est éloquente et semble connaître beaucoup de choses. Moi qui adore avoir des conversations instructrices, j’aime l’écouter. Malheureusement, elle part après deux jours, mais nous avons clairement beaucoup de choses à échanger. L’autre est Bob, un bel homme si asocial –timide ?- qu’il veut être en bout de table, près de la fenêtre pour pouvoir échapper au moins mentalement à ce supplice que semblent être les repas. Pourtant nos interactions sont elles aussi édifiantes.
Ōji aussi m’intrigue. Il est plutôt silencieux, mais quand il s’exprime, c’est toujours pertinent. Il ne frivole pas avec des émotions jouées. Il est réputé sérieux.
Tous les cinq, Agnes, Mario, Ōji, Dante et moi, nous organisons la Soirée Film, le dimanche soir. C’est un rendez-vous sacré.
Je m’entends rapidement avec Denise, la seule autre étrangère, une Allemande. Pour une raison que j’ignore, c’est réconfortant d’être avec une Européenne. Et même si je ne le ressentais pas comme cela, on nous l’aurait fait ressentir en évoquant “vous les Européens”. Mais c’est souvent comme cela que nous nous rapprochons lors de conversations où nous sommes d’accord mais en désaccord avec le reste.
Le soir, nous rejoignons fréquemment autour d’un réchaud au propane M. Pêche, son cadet Thomas, Chandra, Elen, parfois Lucy dite Lulu et Ōji. Je m’amuse avec Thomas et Ōji. Souvent, des miniers nous accompagnent. Je découvre encore un nouveau monde, d’absence de conscience écologique apparemment la plus totale, de centres d’intérêts si variés dont j’ignorais totalement l’existence. C’est le cas en l’occurrence de quelques femmes membres de certaines Premières Nations qui me parlent de leur activité de fumer le poisson. Nous partageons bien souvent des moments agréables, même si régulièrement Elen et Chandra se disputent ; une fois Elen et moi aussi sur la question chaude du traitement des personnes qui ne parlent pas anglais nativement.
Je découvre de plus près les sublimes corbeaux, les vrais, les grands. Une fois, ils se trouvent à la même plage au bord de la rivière. L’un m’aperçoit et commence à s’approcher. J’adore son regard inquisiteur avec lequel il semble me scruter. Plus tard, je commence à interagir avec une pie ! Mon oiseau préféré. Et qui me connaît, je n’ai de cesse de le répéter, sait que les corvidés sont mes êtres les plus aimés, au même rang que les chiens.
Les corbeaux (les fameux Corvus Corax — et oui fameux, certains connaissent Miley Cyrux, moi je connais Corvus Corax) sont EXTREMEMENT présents dans la cosmologie des Premières Nations et sont effectivement impressionnants. Leurs cris en eux-même sont poignants.
Sous le soleil on peut voir qu’ils ne sont pas si noirs que cela. Leurs couleurs iridescentes ressortent si intensement !
Mais c’est surtout avec les corneilles que je noue des liens qui me sont très importants, mais c’est une histoire pour un autre moment.
Winter is coming – L’hiver approche
Cela dit, je me retrouve dans une situation compliquée, puisque cet endroit est purement et simplement à l’antipode de l’écologie. Et aucun effort n’est fait pour palier au fait que :
- l’endroit marche au diesel, alimenté par deux énormes générateurs. Une offre leur avait été faite pour se raccorder à l’électricité publique, offre refusée.
- pour compenser le manque de revenus l’été puisque le heliskiing est impossible, évidemment, la solution adoptée est d’accueillir les acteurs de minage. Cette activité est par ailleurs TRÈS présente en BC.
Au début de l’aventure, je me trouve des excuses pour fermer les yeux. Il est vrai que j’aime beaucoup l’ambiance de communauté qui y règne. On apprend à connaître nos nouveaux collègues et l’on s’amuse de plus en plus.
Pour dire vrai, ce qui me convainc le plus de rester, c’est l’exploration que nous permet la localisation, le côté sauvage des alentours et le côté social. Nous travaillons trois semaines d’affilé, dix heures par jour ; puis nous avons une semaine de congé. Je ferai un article à part pour évoquer nos pérégrinations à BC. Mais en voici une petite mise en bouche :
Plus le temps se clone et moins les excuses me satisfont. J’ai beau toujours tenter de m’y accrocher, la saison d’hiver commence à poindre, à la différence du soleil dont on ne voit que l’ombre derrière la basse montagne pendant les mois de décembre et de janvier.
Les hélicoptères s’enchaînent dans un vacarme infernal qui laissent derrière eux un terrible goût monstrueux de jet fuel dans la bouche.
De plus, l’équipe triple au moins, dont de nombreux fêtards. Même si je m’attache à de nouveaux arrivants, notamment Dan, ou encore Elmas (son Aurélie), je me sens très vite submergée. Des petits groupes se divisent.
Nous mangeons désormais dans le café, c’est dérangeant de toujours manger liquide. Blague à part, nous sommes répartis en différentes tables, renforçant ce sentiment de clan. Les mêmes personnes se mettent souvent ensemble.
Je suis aussi rapidement promue Cheffe d’équipe des agents d’entretien. Amazone, d’accord, mais cheffe ? Une fois de plus, mes convictions en prennent un coup. Mais si j’accepte le poste, ce n’est pas pour la hiérarchie, le souhait de contrôle ou que sais-je. Je l’ai dit, je ressens le quotidien comme faisant partie d’une communauté et je veux aider. Sauf que mon équipe n’est pas dans la même optique et je me retrouve souvent à devoir materner (chouette) car je sais que le travail ne sera que rarement bien fait si je ne me place pas comme leur supérieure hiérarchique. Ce qui est épuisant ! Si quelqu’un a des tuyaux pour organiser des rôles horizontaux dans un poste de chef, je suis à votre écoute.
Peu à peu les bonnes relations s’étiolent. Mario et Agnes qui faisaient partie de ma base deviennent, eux aussi, managers. Malheureusement, j’ai l’impression que cela les rend différents, surtout elle. Peut-être par manque de temps et par fatigue morale et physique ?
Toujours est-il que c’est notamment d’Ōji dont Dante et moi devenons les plus proches. Au cœur de l’hiver, il suffit d’en voir un pour savoir que les deux autres seront également là. Aujourd’hui encore, il est le pilier essentiel pour moi. Il est porteur d’une connaissance infinie et m’inspire beaucoup. De nombreuses fois, il fait office de sauveur : il a toujours des aventures épiques en tête dans lesquelles il m’embarque à la volée.
Je rajoute une mention spéciale pour Bob, avec qui je passe maître au fusball, le baby-foot (et là, je me pose la question, pourquoi on utilise un mot anglais qu’eux n’utilisent pas ?). Dante, Bob et moi sommes devenus si bons que lorsque nous voulons jouer contre des clients ou d’autres collègues, tout le monde abandonne rapidement car blasés de perdre. Lui aussi m’enseigne également à prendre confiance en moi, à travers des projets de Maintenance pas forcément simples que je suis à cours de travail dans ma sphère de Housekeeping.
La douche glacée
Plus tard encore, place aux seigneurs : les guides et pilotes débarquent. Ils ont tous les droits et bien que je m’entende très bien avec nombre d’entre eux, les injustices entre eux et nous me débectent plus d’une fois. Mais je serais bien ingrate si je les décrivais juste de façon si dépréciative. Ils sont tous agréables avec moi et apportent autre chose, d’autres univers à l’endroit.
Le manteau blanc silencieusement s’entasse massivement si bien que nous sommes comme enfermés dans un labyrinthe. Bien que féerique pendant les premiers jours, je me sens vite coincée dans un manège incessant, dont le monotone quotidien se répète encore et encore. Je n’en tire aucun plaisir dans les conditions actuelles. Une fois de plus, la réalité du labeur m’écrase. Pourquoi dois-je accomplir ces tâches qui fondamentalement n’ont aucun sens pour oser espérer recevoir en échange des chiffres qui varient, visibles via une application ? C’est surtout quand je reçois ce petit jet d’eau mélangé à des selles en nettoyant le bol des toilettes que je ressens ce sentiment d’incompréhension. Notamment quand les clients estiment qu’ils n’ont pas à faire leur part car « ce n’est pas grave, la femme de ménage le fera ».
Les mêmes qui par de nombreuses fois se permettent de couper dans la queue pour se servir le petit-déjeuner, sous prétexte de l’existence d’une échelle sociale subsistante des nantis à qui on fait croire que l’argent est la valeur ultime et implique une supériorité sur d’autres êtres. Les travailleurs n’importent pas. Je suis ravie de voir que mes collègues sont eux-aussi interloqués et que ce n’est pas la majorité des clients.
Comme ils envahissent aussi la partie bar, où nous avions l’habitude de nous rassembler maintenant qu’il fait trop froid pour se retrouver autour du feu, je m’isole le plus souvent dans notre chambre. Je n’ai aucun désir de payer pour de l’alcool (au prix exorbitant qui plus est) et d’être assise pendant des heures à discuter de choses le plus souvent superficielles. Nous arrêtons aussi momentanément les soirées films, la salle média étant située juste à côté du bar, nous n’arrivons même plus à entendre les dialogues.
Et des jours comme au cœur de l’hiver, avec une équipe au bord du burn-out, il est bon de me rappeler clichément (je n’ai pas honte d’utiliser mon mot favori : oui, néologisme) à quel point la méditation est un excellent, quasi essentiel, moyen de concentration intense qui me permet de réguler mon stress grandissant. En ça, le yoga est un parfait exutoire à cette période. Et alors que la masse de travail augmente, nos vendredis se muent frénétiques et au point qu’ils rendraient le maître zen Deshimaru fou. Mes trois collègues agents d’entretien essaient de trouver des subterfuges pour essayer de se dérober au travail. Ce qu’elles ne comprennent pas, c’est que moi non plus, je ne souhaite pas travailler ! Et pourtant, c’est le contrat que j’ai signé avec l’entreprise : fournir 70 heures par semaine pendant trois semaines durant. Puis encore, et encore. Jusqu’à ce que je craque. Je me demande alors, si les employés du lodge qui ont quatre ans d’ancienneté en sont les doyens, est-ce parce que c’en est trop ?
Plus tard, j’ai décidé de lâcher l’affaire. Ce n’est pas faute de l’avoir partagé avec mes supérieurs qui eux pensent que faire la grosse teuf, c’est the way to go. Ainsi si elles veulent tirer au flanc, so be it.
L’un des rares animaux à rester dans les parages est le plus adorable des martres des pins, que le gérant veut tuer (en les noyant). Beh oui, un nuisible (mais qui est le plus nuisible, cet oiseau de fer horrible ou des vivants originaires des lieux ?).
Mais je serais mauvaise d’être si médisante. Ils les piègent et me tiennent au courant, pour que je puisse les conduire loin. Peut-être cela leur laissent-ils une chance de refaire une vie ailleurs… Je l’espère. Peut-être que je détruis moi-même un écosystème plus loin.
Je l’ai dit, même l’astre lumineux porteur de vitamines D nous boude. Condamnés à prendre des compléments pour ne pas sombrer dans la folie, j’en viens à me demander si je ne devrais pas forcer sur les doses ou devenir moi-même un soleil. Les températures n’ont de cesse de chuter. Parfois, je me dis que le thermomètre déconne. Non, il ne peut pas être – 37°C. En fait si, mes cheveux me le prouvent quand ils congèlent par la simple vapeur qui se dégage quand je respire.
Un soir, alors qu’il fait nuit noire, le ciel se teint d’un vert fugace. Mais déjà nous savons, accédons aux appareils photo de nos téléphones : les aurores boréales !
Puisque le jour ne dure qu’entre cinq et six heures à son plus petit record, c’est la période idéale pour les observer. De plus, information que j’ignorais, mais il y a en fait des aurores polaires toute l’année durant; mais l’été étant lui très lumineux, il est très difficile d’en voir.
Le plus beau spectacle se joue un soir où nous nous sommes faits complètement embarqué par des parties de fusseball endiablées. Nous finissons tout cela vers une heure du matin (oui, pour moi c’est tard à ce moment-là quand on commence à 6h le lendemain), quand de longs filaments éclatants de verts dansent sur l’étendue immense de l’espace.
Heureusement, malgré la neige je continue mes promenades aussi souvent que possible, près de la « creek ». Cette fois, sans risque de me faire effacer du paysage en deux coups de patte d’ours.
Une fois, le jour anniversaire de 5 années de compagnonnage entre Dante et moi, nous voyons le long du chemin un élan du Canada ! Pour la petite anecdote, ce ne sont pas des « caribous » comme on me l’a souvent traduit. Un « moose » est bien un élan. Un autre animal est un caribou, dont le nom anglais est…caribou.
Une fois, alors que je suis embarquée dans une aventure d’Ōji à nouveau, nous avons la chance d’observer longuement un autre de ces élégants êtres.
J’ai donc grande hâte que la saison se termine. Mais le lodge étant fidèle à lui-même, tout se finit en bouquet final de feu d’artifice (l’image est aussi due au fait qu’ils éclatent des feux tous les vendredis soirs, rapportant un autre malus pour le côté du vivant). L’avant-dernier jour de ski, vers environ 15h, la mise en place du plan le plus incertain et inquiétant est enclenché par radio. Nous devons urgemment établir des lits de camps pour accueillir au moins trois blessé.es. Sans m’étaler, le constat est tragique et plus tard, un guide nous quitte. C’est la cerise pourrie sur un gâteau déjà tristement laid.
Une page se tourne
Et ce jour, le 17 avril, la saison d’hiver se clos définitivement avec les derniers employés du groupe des « coolos » qui se barrent. Nous recommençons à manger de façon plus inclusive. Des rires plus divers se font entendre.
Hara wa sugu – Au détour du printemps
Je tiens l’espoir que les beaux jours vont amener avec eux une exploration renouvelée, accompagnés de la personne qui fait du simple voyage une aventure, mon pilier suprême : vous l’avez deviné, voici le retour de Tito et Toti, les galériennes.
Les jours s’allongent. Du moins, notre petite vallée est baignée dans sa chaleur lumineuse plus longuement. Et ça se ressent ! La neige commence à fondre.
Les oiseaux redoublent d’intensité. Ils chantent à plein poumons des conversations qui semblent…animées. Des choses se passent. Beaucoup de Bec-croisé bifascié (j’aimerais changer certains noms parfois – Loxia leucoptera) se cognent contre les fenêtres… Ainsi donc en sauvons nous, et j’installe des autocollants pour éviter cela dans notre chambre (les autres endroits m’étant interdits par Charles). Les colibris (Calypte anna et Selasphorus rufus) aussi migrent enfin. Ils apportent aussi leur lot de couleurs, de bruit et manquent de nous planter comme des fléchettes dans leur lutte acharnée aux mangeoirs.
Nous avons aussi une invasion de souris, certains pensent que c’est à cause de la disparition des martres.
J’apprends l’existence du Code 2, qui nous a pourtant été enseigné à notre arrivée au lodge. Deux jours plus tôt, ces codes nous ont été rappelé mais persuadée que je n’aurais pas à les mémoriser, je crois d’abord que c’est pour un élan. Puis je vois cette forme reconnaissable parmi toutes d’une marche gracile et imposante. Un Grizzly chez nous. Mais enfin, je le sais puisque déjà mes visites à la rivière reprennent. Et à déjà mon premier tour, je réalise à nouveau de la taille des pattounes : trop grandes.
Mes amis Corvus brachyrhynchos sont eux aussi de retour, où je me lie encore plus à l’un d’entre eux, Paolo. Avant l’hiver, c’est Raoul qui semblait être notre plus proche corvidé. Puis ils arrivent avec leur quatre bébés et tous ensemble nous partageons les environs. C’est exquis de suivre une famille évoluer. Voir des profils différents se construire, un petit réclame sans cesse. L’éducation est intrigante. Mais plus que tout, quelques jours avant mon départ, un des bébés se met à converser avec moi à plusieurs reprises. Je me doute que c’est le plus bavard, mais il éclaire mes journées dont la seule autre lueur est la fin du tunnel ; soit quitter le lodge.
L’été lui amène son lot d’insectes tout plus détestables les uns des autres, puisque cinq types peuvent piquer. Et le font d’ailleurs allègrement : il est impossible de rester dehors.
Ce qui est chose faite et en effet : retour des tribulations dans l’ouest Canadien ! A suivre donc.